Chemins de Traverse #26 – Tiphaine Bonnet

Tiphaine, des RH à l’entrepreneuriat social

« J’ai appris à être à l’écoute de moi-même, à m’autoriser à croire en mes capacités d’entrepreneure. Je doute constamment, c’est épuisant mais c’est aussi mon garde-fou. »

1/ En quelques mots, qui es-tu ?

Tiphaine Bonnet, j’ai le plaisir d’être une des deux co-fondatrices de la Maison de l’Apprendre à Lyon.

2/ Quel est ton parcours ?

Après des études de commerce, j’ai poursuivi par un Master 2 en Ressources Humaines. Cinq années d’études, dont trois en apprentissage m’ont menée vers des fonctions de RH dans des multinationales des secteurs de l’IT et des télécoms.
Pendant 7 ans, j’ai accompagné des organisations dans l’atteinte de leurs objectifs opérationnels, leurs évolutions organisationnelles, le développement des compétences de tous les talents. J’ai évolué dans des contextes internationaux passionnants et un contexte social particulièrement chaotique qui m’a amené à travailler sur la mise en oeuvre de nombreux plans sociaux.

3/ Comment est venu ton désir de changement ? A quel moment ? Et quel a été ton déclic ?

Plus qu’un désir de changement, cela a été un impératif de changement. A l’aube de mon 2eme congé maternité, j’ai travaillé au rachat de ma structure, sur sa dimension RH. Puis je suis partie pour un congé maternité éprouvant de 9 mois.

La nouvelle culture d’entreprise m’a prise à la gorge dès mon retour. Il y avait toujours des plans sociaux à accompagner. Ce n’est pas ce pour quoi on choisit le métier de RH en général. Lorsque l’entreprise considère l’accompagnement digne de ses collaborateurs comme une priorité, c’est réellement passionnant, car cela permet d’accompagner qualitativement les individus sur une trajectoire professionnelle épanouissante. Le métier et le rôle de RH prend tout son sens et c’était ce que j’avais connu jusque-là.

Dans ce nouveau contexte, on me demandait d’ôter toute l’empathie, l’intuition et l’humanité de ma façon de travailler. Il me fallait devenir exécutante, froide et aller vite, toujours plus vite. Cela a été un conflit de valeurs massif qui, je le sentais, allait me faner pour de bon. Et ça, ça n’était pas une option possible.

4/ Qu’est-ce qui t’a permis de passer de l’envie à l’action ? Quels ont été tes leviers ?

L’avantage quand on opère des plans sociaux, c’est que parfois on peut en bénéficier. Quand j’ai porté mon volontariat, j’ai reçu une fin de non-recevoir immédiate de mon management, sous prétexte qu’ils n’allaient « tout de même pas me laisser partir à la concurrence, qu’il y avait plein d’opportunités » pour moi.

J’ai eu la chance d’avoir en interne des alliés qui ont su m’aider à faire redescendre la part émotionnelle de cette réaction pour faire en sorte que mes intentions soient entendues. Non, je ne voulais pas partir à la concurrence, je voulais partir. Pour faire quoi, je n’en savais trop rien à l’époque, je savais que l’éducation était un sujet d’intérêt majeur pour moi et que je voulais comprendre comment permettre aux adultes que nous sommes d’être davantage auteurs de leur vie.

Une fois cela entendu par mon management, ils m’ont demandé de rester une année, le temps que le dernier plan social en date soit achevé et pour me laisser le temps de mûrir mon projet.
Quelques mois avant de partir, mon manager m’a convoquée pour comprendre ce vers quoi mon projet évoluait. C’était encore relativement flou mais les différents échanges informels d’exploration que j’avais pu avoir m’avait fait prendre conscience que, tout au long de ma vie, l’investissement pour le bien commun au travers d’associations était un vrai fil rouge que j’avais désormais envie d’explorer en conscience.

Il m’a alors proposé un mécénat de compétences de 2 ans. Cela a été une chance incroyable.

5/ Quels freins as-tu rencontrés dans ton parcours ? Et comment les as-tu surmontés ?

Les freins ont été variés et nombreux, mais j’ai eu cette chance d’être extrêmement soutenue par ma moitié dès le départ.

Le frein principal a tout d’abord été le poids des représentations sociales. Pourquoi tout quitter alors que ta carrière va tambour battant ? Pourquoi tout quitter pour gagner nettement moins d’argent ? Et comment vas-tu assurer le bien-être de ta famille ?

Je crois que ce qui m’a aidé à surmonter ces jugements a été ma conviction d’aller dans la bonne direction. Et, pragmatisme oblige, je savais également que c’était le bon moment pour moi de tenter l’expérience d’une voie différente. J’avais 31 ans, je venais d’avoir mon 2eme enfant, pas encore « trop chère », une belle expérience RH sur le CV, … mon employabilité était quasi maximale. Au pire, j’avais toujours la possibilité de reprendre un poste « traditionnel » en RH. Ce n’était évidemment pas mon intention mais ayant à charge une famille et étant le revenu principal du foyer, je ne voulais pas laisser trop de place à l’improvisation.

Le plus compliqué pour moi a été de réaliser combien j’évoluais dans un tout petit bocal avant. Découvrir le monde de l’entrepreneuriat social a été une véritable claque. C’est dur de redécouvrir l’immensité de l’écosystème dans lequel on évolue, j’ai eu l’impression de recouvrer la vue. Et ça donne un peu mal à la tête au début…

Ensuite, cela a été complexe d’accepter ma propre transformation. Je me suis toujours projetée comme une bonne salariée. Un peu poil à gratter et ne parvenant jamais vraiment à rentrer dans la case qu’on me désignait, mais si j’avais su il y a quelques années de cela que je serai aujourd’hui entrepreneure sociale, j’aurai ri, mais j’aurai ri ! Et pourtant. Cela a pris beaucoup de temps j’ai appris à être à l’écoute de moi-même, à m’autoriser à croire en mes capacités d’entrepreneure. Je doute constamment, c’est épuisant mais c’est aussi mon garde-fou.

6/ Aujourd’hui, où en es-tu ? Pourquoi avoir choisi cette voie ? Et qu’est-ce qui fait sens pour toi dans ta vie pro/perso ?

J’ai passé 2 années en mécénat de compétences chez Ashoka France pour découvrir le monde de l’entreprenariat social et plus précisément sur le champs de l’éducation. C’est là où j’ai rencontré Angélique Figari. Avec un parcours très différent du mien et pourtant très complémentaire, nous avons eu ce que l’on appelle une belle rencontre professionnelle.

Ensemble, nous avons co-fondé la Maison de l’Apprendre, une association loi 1901 qui vise à favoriser le développement de territoires apprenants. Nous fédérons une communauté décloisonnée d’acteurs agissant pour le développement des talents tout au long de la vie et nous accompagnons leurs coopérations pour la démultiplication de leur impact.

7/ Quels conseils donnerais-tu à des personnes actuellement en questionnement ?

Je ne suis pas forcément à l’aise avec le fait de donner des conseils mais je peux partager ce qui a fonctionné pour moi :
– être à l’écoute et reconnaître mes besoins et mes intuitions,
– préparer un plan B … et un plan C
– Oser. Y aller. Ne pas attendre que tous les voyants soient au vert… sinon on risque fort de ne jamais se lancer 🙂

En savoir plus sur la Maison de l’Apprendre : www.maisondelapprendre.org
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