Chemins de Traverse #21 – Laure Parasote

Laure Parasote, de l’ingénierie
du traitement des déchets au maraîchage

« Je ne trouvais plus de sens avec ce que je vivais intérieurement »

1/ En quelques mots, qui es-tu ?

Je m’appelle Laure, j’ai 28 ans. J’aime danser, lire, écrire, dessiner, créer, randonner, découvrir, partager, apprendre, transmettre. Je suis une fervente défenseuse des causes qui me paraissent justes et importantes pour maintenant et demain. J’adore la nature, la voir évoluer et me dire que nous ne sommes qu’un.

2/Quel est ton parcours professionnel ?

Après un diplôme d’ingénieur spécialisant en Gestion, Traitement et Valorisation des déchets obtenu en 2016, et ayant toujours voulu concilier mes convictions personnelles avec mon parcours professionnel, j’ai travaillé durant deux ans dans une entreprise proposant un service de valorisation des déchets alimentaires des industriels par l’entomoculture.

Depuis bientôt un an maintenant, je suis Encadrante Technique d’Insertion et maraîchère au Potager Mi-Plaine à Saint-Priest, près de Lyon !

3/ Comment est venu ton désir de changement ? Et quel a été ton déclic ?

Plus le temps passait et moins je me sentais à ma place dans mon travail. Je ne trouvais plus de sens avec ce que je vivais intérieurement. « Le meilleur déchet est celui qui n’est pas créé », et pourtant je faisais partie d’un système qui continuait de vouloir résoudre les conséquences de notre fonctionnement, alors que mon engagement personnel me poussait à changer les habitudes en amont.

J’ai découvert pendant cette période la science de l’effondrement avec Pablo Servigne et bien d’autres scientifiques travaillant sur ce sujet. C’est à ce moment de ma vie que j’ai perdu pied, mon malaise n’en est devenu que plus grand. Je me suis renseignée, j’ai lu beaucoup de choses sur la collapsologie. Les faits étaient là : notre société thermo-industrielle est vouée à l’échec. La croissance ne peut être infinie dans un monde fini comme le nôtre. Les ressources sont de plus en plus rares (pétrole, terres rares, minéraux, eau potable, etc.), la biodiversité s’effondre, la haine s’attise un peu plus chaque jour.

Admettre la vérité m’a plongée dans le désarroi et dans une détresse émotionnelle importante. J’ai eu à ce moment de ma vie un déclic émotionnel, un effondrement de mon monde intérieur. Ce déclic m’a aidé à prendre la décision de quitter mon travail et de réaliser ce que je désirais au plus profond de moi.

4/ Qu’est-ce qui t’a permis de passer de l’envie à l’action ? Quels ont été tes leviers ?

J’ai ressenti de la peur, de l’anxiété, de la vulnérabilité, de l’impuissance, de la colère envers moi-même et envers les autres. Les multiplicités que me proposait l’avenir ont soudain été remplacées par un devenir étroit et malade. Je me suis retrouvée seule avec ces constats accablants, personne n’étant réellement près à entendre ce genre de propos.

Après cette période difficile est venu le temps du soulagement ; soulagement de pouvoir exprimer mes émotions face à cette réalité à d’autres personnes convaincues (je n’étais pas seule !), de les accepter et de décider de passer concrètement à l’action.

Après avoir quitté mon travail, j’ai mis en pratique mes connaissances en permaculture dans le jardin de mon papa qui en applique les principes depuis plusieurs années, ainsi que dans l’éco-construction (banchage en chaux/chanvre, isolation à la laine de bois, enduits à la chaux, etc.).
Dans une politique d’initiative locale, la permaculture, vision abordant une autre conception du monde, permet de créer des habitats humains et productifs s’inspirant d’écosystèmes naturels. Dans cette optique, j’ai suivi une formation au Viel Audon (Cours Certifié en Permaculture) me permettant de consolider mes connaissances avec une dynamique de groupe rendant possibles les échanges sur la thématique et apportant une dimension sociale inhérente à la permaculture.

5/ Quels ont été les freins rencontrés dans cette évolution professionnelle ? Et comment les as-tu surmontés ?

J’ai vraiment pris le temps de l’introspection qui me paraissait nécessaire au vu de la tourmente dans laquelle je m’étais trouvée, j’ai pris le temps de savoir ce que je voulais profondément, de trouver un équilibre, de développer mon projet personnel et professionnel. J’ai fait du wwoofing en France et notamment aux Amanins (où j’ai rencontré de merveilleuses personnes, gros déclic positif pour la suite de mon cheminement) ; au Québec, pour découvrir et apprendre comment la permaculture était abordée et ce qui était réalisé. Toutes ces rencontres et ces découvertes n’ont fait que renforcer mon projet.

6/ Et maintenant, que fais-tu ? Pourquoi avoir choisi cette voie ?

Il y a maintenant un an, j’ai décidé de reprendre une activité qui me permette d’avancer sur cette nouvelle voie. IDEO (Initiatives pour le Développement d’Emplois et d’Orientations) est venue à moi pour me proposer un emploi de maraîchage. Le potager Mi-Plaine, situé près de Lyon, est une exploitation en maraîchage biologique recrutant des personnes qui rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi.

En tant qu’encadrante technique d’insertion, je gère aussi bien l’équipe que le potager. Ce double aspect que j’aborde au quotidien est très riche d’enseignements. Le travail de la terre me conforte de jours en jours dans la voie que j’emprunte et me permet de développer la permaculture au sein du Potager (associations bénéfiques entre légumes et fleurs, installation de ruches, plantation d’un verger, etc.), d’en apprendre davantage chaque jour sur la nature en constante évolution.

Le travail quotidien aux côtés des salariés en insertion m’apporte humainement plus que je n’aurais pu imaginer. Il m’a appris que l’écologie sociale qui est pratiquée n’est intrinsèquement pas équitable/juste puisqu’elle ne permet pas un accès abordable aux choses (je pense notamment au manger bio et local). Suivant le temps dont on dispose, les études que l’on fait, l’argent qui nous est disponible, il est plus ou moins facile de prendre du recul sur nos modes de fonctionnement.

De manière plus marquée, les effondrements peuvent se voir à une échelle globale (collapsologie) mais également à une échelle plus locale (accès au travail, difficultés de logement, rémunérations insuffisantes). C’est là que le terme Économie Sociale et Solidaire prend pleinement son sens et c’est bien tous ensemble qu’il sera possible de construire le monde de demain et d’imaginer une vie après l’effondrement de notre système actuel.

7/Quels conseils donnerais-tu à des personnes actuellement en questionnement ?

Une citation de Neil Gaiman m’a énormément touché et m’accompagne maintenant chaque jour (extrait d’une conférence intitulée Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture, de l’imagination) : « Nous tous – adultes et enfants, écrivains et lecteurs-, nous avons l’obligation de rêver. Une obligation d’imaginer. Il est facile de se conduire comme si personne ne pouvait rien changer, comme si nous étions dans un monde où la société est énorme et l’individu moins que rien ; un atome dans un mur, un grain de riz dans un champ. Mais la vérité, c’est que les individus changent sans cesse leur monde, les individus fabriquent l’avenir, et ils le font en imaginant que les choses peuvent être différentes. »

Alors je dirais aux personnes actuellement en questionnement qu’il est de notre ressort de raconter une nouvelle belle histoire, qu’il faut recréer du lien social et de la solidarité entre les personnes pour mieux accueillir demain, d’embrasser notre futur main dans la main. Il ne faut pas considérer le désespoir et la tristesse pour parler du changement, mais mettre notre imagination et notre créativité au centre de tout, créer un espace où elles pourront renaître.
Et si on passait maîtres dans l’art de raconter de belles histoires ? Invitons les autres à nous rejoindre. Toutes les possibilités s’offrent à nous.

Une questions pour Laure ? Ecrivez lui à parasote.laure@gmail.com

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